Le vent
L'air, le plus libre des éléments. Brises, tempêtes, ouragans, souffles et tornades, les nuances du compagnon des nuages déchainent la mer, caressent la terre, amassent le sable et soufflent les pétales. Impalpable mais toujours présent, il n'a d'arme que ses emprunts, il ne brûle pas, il ne noie pas, il ne brise pas, mais il est là, toujours, lors les fracas.
Sors, il t'attend dehors, profite en, laisse toi aller face au froid revigorant qu'il emporte depuis le nord. Ce soir, je l'entend, il voudrait déchainer sa puissance, passer au dessus des toits, faire hurler les cheminées, effrayer tendrement les enfants, sentir les peuples ensemble s'amasser, se calfeutrer, unis un unique instant contre le plus doux des éléments.
Oui, il serait heureux d'une de ces catastrophes presque anodines qui ramènent l'Homme si arrogant à l'attente patiente devant le feu, la laine et la cire.
Le secret de la vie
Il était dans le bus tantôt, rêveur en direction de la fac. Elle était sur son vélo, belle comme il l’avait vu la première fois, fugitive image d’un désir inaccessible. Ses pas sans cesse le ramenait vers la, dans les ruelles étroites qui forment le quartier Saint Michel.
Les yeux pétillants, c’est rare, un sourire carnassier, il longe obnubilé les trottoirs d’un pâté de maison toujours plus séré. Il s’est décidé, cette porte ci est forcément la bonne. Elle a été mal refermée, il entre. L’immeuble est ancien, en trois étages peut-être quatre. Il y règne une odeur de renfermé humide, l’escalier en bois est mité, les peintures délabrées, l’ascenseur est en panne. Tandis qu’il monte les marches grinçantes, déjà il devine qu’il a enfin gagné. Un écriteau attire son regard, une touche personnelle en couleur sous une sonnette métallisée, c’est elle.
Il sonne une fois puis deux, il entend des pas énervés. Elle entrouvre la porte, il y glisse son pied. Elle est surprise mais se reprend aussitôt. Bleu glacial contre brun ardent, elle tente de le repousser, peine perdue, il s’est installé. Le temps s’arrête tandis que, de force, il lui ramène la nuque pour un baiser. Un instant crispée, elle cède, d’un coup de talon il claque la porte, elle la verrouille. Leurs lèvres se mordent, leurs langues se cherchent, leurs yeux se ferment. Toujours accolés, elle le tire vers la chambre à coucher.
(Coupez !)
Face à face, brun azur, bleu brûlant, ils s’embrassent, ils s’enlacent. Assise à genoux, il l’enserre des siens, lent effeuillage passionné. Il lui caresse les seins, le cou, les hanches, le sexe, déjà elle le prend dans sa bouche.
(Coupez !!)
Ils sont nus maintenant, elle et ses formes, lui et ses angles. Elle le câline de la langue, il lui lèche le sien. Vibrants, ils se détachent un instant pour de nouveau s’arrimer.
(...)
Offerte, il la prend doucement. Ses mains agrippent ses fesses, elle se soulève pour l’accueillir plus en avant. Il dévore son cou, étouffe des halètements. Ils roulent, bleu absent, brun vacillant. Mains sur sa poitrine, avide, elle s’empale les hanches.
Blanc.
Sabotage à la hache
Arbre, je t'ai vu poussé,
Parmi les jeunes pousses,
Vers les autres cimes,
Je t'ai vu t'élever.
N'oublie jamais tes racines,
Prend garde à laisser d'autre grandir,
Ne provoque pas la haine dans ton écosystème,
Laisse mourir tes branches basses qui d'humus serviront.
Si ton ombre en vient à étouffer les petits,
Sache que j'arriverai pour t'abattre.
Les lumières n'ont pas d'ombre,
Mais les stupides arbres oui.
Merteuil
Quelques outils, un établi sur un tapis, un peu de bricolage verbal le temps de te chuchote ces mots indécents, ces mots interdits, le temps de sourires indélicats, ce soir, je te capture, je t'attache et je te prends.
Je te connais, déjà vu, une autre vie, déjà prise, à livre ouvert, le risque. Je te punirai d'être arriver trop tard pour sauvegarder la part pure de mon âme, je me tuerai de n'être qu'un cafard sur les pages d'une vie plate plutôt qu'un habile sur celles d'une course libertine.
L'a tu perçu, cette facette en sommeil, ce coeur teinté du plus dense des noirs. Dominant et blessant, cynique et arrogant, sans amour ni pitié, je brise les liens crées. Je te chatirai, Merteuil, nous rirons, Valmont, tu cédèras comtesse, je pleurerai, vicomte.
A moins que, d'un instant à l'autre, le calme et le rire s'installent, la paix et les sourires en nos âmes. La vie, tranquille, le désir, habile, les mains, futiles, l'esprit, subtil. Ouvre toi, rappelle toi !
Ce soir ... je t'aime. Garde le pour toi, c'est la dernière fois. Pirouettes et miroirs aux alouettes, ce modeste présent est pour toi, pour tes rires et tes désirs, pour tes couleurs et tes douceurs ... Tout est plus facile quand les choses sont impossibles.
Ouragan
Le vent hurle sur la plaine.
Il couche les herbes pêle-mêle et arrache les arbres vers le ciel.
Les nuages noirs s’amoncellent et le soleil déclare forfait.
La pluie battante cingle la terre.
Elle ricoche de biais sur le sol,
Emportant la poussière dans de grandes mares éphémères.
Les nuages s’entrechoquent et de leurs colères jaillissent les éclairs.
Ils illuminent brièvement l’ouragan et le tonnerre retentit sans cesse.
Au milieu du cataclysme, une cahute résiste.
Ses planches mal emboîtées freinent à peine le vent.
A tout instant elle peut s’effondrer sur son occupant.
Lui est assis recroquevillé et ses yeux sombres brillent dans la pénombre
Posé sur sa chaise, il se brandit face à la tempête.
La porte qui claque à grands coups lui montre un paysage intermittent.
Il lève le poing, maudit l’ouragan.